Les Canadiens de Montréal avaient toute une commande sur les bras, à l’aube de la finale de la Coupe Stanley de 1993, alors qu’ils devaient contenir le dangereux Wayne Gretzky, fer de lance de l’attaque des Kings de Los Angeles.
Gretzky, déjà largement meilleur pointeur de l’histoire de la ligue, a amorcé la série sur les chapeaux de roues en amassant quatre points dès le premier match, remporté par les Kings, avant d’être limité à trois sur l’ensemble des quatre suivants, tous gagnés par le CH.
Défenseur des Canadiens à l’époque, le Québécois Jean-Jacques Daigneault se souvient bien des tactiques privilégiées par le groupe d’entraîneurs afin de contenir «la Merveille» avec succès.
«Comme de raison, on était très bien coachés avec Jacques Demers, Jacques Laperrière, Charles Thiffault, on avait un bon groupe d’entraîneurs capable de faire des ajustements», s’est souvenu l’ancien numéro 48 lors d’un entretien accordé à «JiC» à l’occasion des 30 ans de ce qui demeure le dernier titre du CH.
«L’un des ajustements qu’on avait faits contre les Kings de Los Angeles, c’est de faire de la pression arrière, du « tracking » ou du « push back » en anglais, a-t-il poursuivi. Wayne Gretzky ne pouvait pas vraiment arrêter à l’intérieur de la ligne bleue et regarder pour les deuxièmes vagues.»
«Aussi, on essayait d’intercepter beaucoup des rondelles qui étaient lancées derrière le filet, a-t-il également mentionné. On sait que Wayne Gretzky passait beaucoup de temps derrière le filet, qu’on appelait son « bureau ». Notre plan de match, aux défenseurs, c’était de se tenir près du poteau rapproché et essayer d’intercepter tous les lancers ou passes qui étaient dirigés derrière le filet pour Gretzky. On essayait aussi de le déconcentrer en le frappant, mais Wayne Gretzky, c’est Wayne Gretzky. D’après moi, avec Mario (Lemieux), c’était le meilleur joueur de hockey au monde, il était rapide et très difficile à frapper.»
Demers, le précurseur
Bref, le travail de l’entraîneur a définitivement été l’une des clés du succès des Canadiens.
«Je pense que Jacques Demers, en 1993, était quand même avant-gardiste dans sa façon de gérer un club de hockey, s’est rappelé Daigneault. Il aimait beaucoup ses joueurs, mais il pouvait être « tough » en même temps. Il pouvait être exigeant et le laissait savoir à ses joueurs quand ils ne jouaient pas à la hauteur de leur potentiel.
«Jacques Demers connaissait le nom de toutes les femmes (des joueurs), de tous les enfants, savait que ma femme allait aux hautes études commerciales (…) ce n’était pas seulement au niveau hockey qu’il faisait une job incroyable, il savait que derrière tout joueur, il y a un système de support, qui était les familles, et il sortait de son chemin pour souligner l’importance de ces personnes-là», a-t-il ajouté.
Le défi fleurdelisé
Mais des quatre séries que le CH a dû disputer, ce printemps-là, la plus rude a été celle contre les Nordiques de Québec, dès le premier tour, alors que Montréal a perdu deux fois avant de remporter les quatre duels suivants.
«J’ai toujours pensé que la série contre les Nordiques avait été la plus difficile, a admis Daigneault. Les Nordiques étaient un club qui avait beaucoup d’aptitudes, les Joe Sakic, Mats Sundin, Ron Hextall dans le but qui était assez bon et faisait de gros arrêts pour eux.»
«C’était aussi un club très physique, extrêmement physique, s’est-il souvenu. Je pense que c’était dans leur plan de match, de frapper les Canadiens de Montréal. Quand on a gagné les quatre matchs après avoir perdu les deux premiers, je pense que ça nous a vraiment gonflés à bloc, ça nous a donné confiance pour les trois autres séries qu’on allait disputer.»
Coincés au Forum
Une fois le sacre concrétisé et la coupe, brandie par les joueurs du CH, ce fut l’émeute aux alentours du Forum de Montréal. Les joueurs avaient dû attendre quelques heures avant de pouvoir rentrer à la maison.
«En fait, ça a été un mal pour un bien, a révélé Daigneault. Il y avait des activités « extra-curriculum » à l’extérieur du Forum, mais de notre côté, ça nous a donné l’opportunité de passer du temps ensemble, les joueurs, les femmes, les familles. De mon côté, j’avais cinq frères et soeurs présents au Forum, alors ça nous a permis de rester ensemble jusqu’à deux heures du matin avant de prendre un taxi et de partir vers nos résidences.»
«Je me rappelle, je suis revenu chez moi vers deux heures du matin, et j’ai regardé les nouvelles en boucle en anglais, en français, en me disant « quelqu’un, pincez-moi »!»
Souvenirs indélébiles
Trente ans plus tard, Daigneault conserve une foule de «souvenirs magiques» à propos de cette épopée, qui l’a lié à ses coéquipiers pour toujours.
«Le fait de gagner une Coupe Stanley à Montréal a tissé des liens entre tous les coéquipiers, a-t-il indiqué. Des conversations, je n’en ai pas vraiment, j’ai envoyé des textos à Patrick (Roy) quand il a gagné la Coupe Memorial et quand je voulais qu’il batte les Mooseheads d’Halifax! (rires)»
«Mais les liens sont tissés serrés, a-t-il poursuivi. J’ai fait une promotion il y a quelques mois à Laval et Kevin Haller était là avec son épouse. On a échangé et même si ça faisait 30 ans qu’on ne s’était pas vus, c’était comme si on s’était vus la veille. On a eu un bel échange et c’était fantastique.»
Voyez l’entretien complet en vidéo principale.