Jeudi, Hazem Naw affrontera Lucas Pouille au deuxième tour du tournoi Challenger de Pau. Avant de se mesurer à l’ex n°10 mondial, ce Syrien de 24 ans a réalisé mardi la meilleure perf’ de sa carrière en disposant d’Arthur Rinderknech, tête de série n°2 à Pau et 86e joueur mondial (7-6 (2), 6-7 (3), 6-2). Un exploit sidérant compte tenu de son parcours hors normes.
Le tennis, une histoire de famille
Si Hazem Naw s’est mis très tôt au tennis, dès l’âge de cinq ans, c’est pour se mettre sur les traces de son grand frère, Amer, et sous la direction de son père, Ahmad : « Dès que j’ai eu la raquette entre les mains, j’ai eu le coup de foudre pour ce sport, raconte-t-il sur le site de l’ATP. Jusqu’à 11 ou 12 ans, je participais à des tournois et j’en gagnais quelques-uns, mais je me concentrais surtout sur mon grand frère. Puis lorsque la guerre a commencé, nous étions tous choqués et nous ne savions pas quoi faire. Tout était nouveau pour nous à ce moment-là. Beaucoup d’élèves de mon père et leurs familles ont déménagé. »
Des entraînements sous les bombes
Au début des années 2010, quand la guerre civile éclate en Syrie, le jeune Hazem connaît effectivement les affres des entraînements dangereux, car les cinq courts du complexe où il jouait se trouvaient à deux kilomètres de la ligne de front. En 2013, le complexe a d’ailleurs été frappé par des obus : « Pendant que nous nous entraînions, nous entendions parfois des coups de feu, alors nous nous arrêtions et rentrions chez nous. Chaque jour, nous venions voir comment la situation se présentait, si elle était calme ou non, et en fonction de cela, nous restions ou nous partions. Après que les courts ont été endommagés, mon frère et moi nous sommes encore entraînés pendant six à huit mois sur ces courts, mais la situation était toujours dangereuse. Une fois l’entraînement terminé, nous rentrions à la maison en nous disant :« Nous avons survécu ! »
L’obligation d’un exil
En 2017, Naw quitte la Syrie avec son frère, d’abord en direction du Liban. Puis ils atterrissent en Allemagne, à Cologne, où ils résident toujours. Là-bas, un ami de la famille les aide à prendre leurs marques. Ils s’entraînent au Rot-Weiss Tennis Club, où Hazem sympathise entre autres avec Dustin Brown (64e en 2016) et Oscar Otte (36e en 2022), et où se jouent les matches par équipes, en Bundesliga, ce qui permet quelques rentrées financières essentielles au maintien du projet : « À ce moment-là, c’était le meilleur choix possible, je n’avais qu’une seule option et j’ai bien sûr dû la choisir. Même si c’est difficile de vivre loin de ma famille. »
Une progression tardive
Arrive jusqu’à la 109e place mondiale chez les juniors, début 2017, ce qui était déjà inédit pour un Syrien, Hazem Naw a mis du temps à franchir les étapes professionnelles. Il n’obtient son premier point ATP qu’à 21 ans, grâce à un tour passé au Future de Monastir, en Tunisie, en 2021. Il entre dans le top 1000 en 2022 mais ce n’est qu’à l’issue du tout dernier tournoi de la saison 2023 qu’il apparaît enfin dans le top 500. 2023 est vraiment l’année charnière, car il y remporte 45 matches et atteint six finales en Futures, pour trois titres. Jusqu’au début de cette année, il n’avait disputé qu’un seul match au niveau Challenger et n’avait affronté qu’une seule fois un joueur du top 200 ATP.
Le festival de 2024
Depuis le début de cette année, Hazem Naw vit un rêve éveillé. Il a commencé par aller remporter un titre « Futures » en Iran, ce qui lui a donné l’occasion de revoir ses parents pour la troisième fois, seulement, depuis huit ans. Au début du mois, il est devenu le premier Syrien à remporter un match sur le circuit Challenger, à Koblenz, en Allemagne, où, issu des qualifications, il a ensuite rallié les demi-finales, battant pour la première fois des membres du top 200 (Billy Harris, 195e et Zdenek Kolar, 180e).
Rebelote la semaine suivante à Cherbourg (deuxième tour après être encore passé par les qualifs, et avant une défaite assez serrée contre Quentin Halys, 6-3, 7-6). Et cette semaine, après s’être une nouvelle fois extirpé du tableau préliminaire, il a donc battu Arthur Rinderknech (86e) mardi, établissant un nouveau record pour son pays. Lundi prochain, il sera au moins 337e à l’ATP. S’il continue sur sa lancée, les qualifications en Grand Chelem pourraient s’ouvrir à lui avant la fin de l’année.