Depuis le mois de février, Cléopâtre Darleux, la gardienne des Bleues, n’a plus mis un pied sur les parquets de D1 féminine, la faute à des commotions cérébrales subies après trois chocs successifs à la tête reçus en l’espace d’une semaine au mois de décembre. Une blessure encore peu prise au sérieux dans le monde du handball, mais qui a fortement affecté la gardienne de l’équipe de France ces derniers mois. Sa saison est déjà terminée, elle ne reprendra pas l’entraînement avant le mois de juillet.
Cléopâtre, avant toute chose, comment vous sentez-vous actuellement ?
Je vais beaucoup mieux qu’il y a trois ou quatre mois, j’ai moins de symptômes. Il y a des jours ou c’est moins bien, mais je commence à voir le bout du tunnel, donc c’est cool !
Vous êtes à l’arrêt depuis un moment, qu’est ce qui a causé ces commotions ?
J’ai subi trois chocs à la tête. Le premier, c’était en match de Ligue des champions le 10 décembre, sur un tir à bout portant. Je suis retournée sur le terrain au bout de dix minutes. On est censées s’arrêter au moindre symptôme, ce que je ne savais pas forcément, et le staff médical non plus. En tout cas, on n’a pas suivi ces recommandations, mais j’avais des maux de tête, du mal à regarder les écrans.
« Je ne pouvais même pas conduire, j’avais l’impression d’être dans le brouillard, les écrans et le bruit me dérangeaient. »
Comme j’avais deux matchs importants, dès le mercredi suivant, j’ai joué contre Nantes, et je me suis cognée la tête en faisant un plongeon. Je n’ai pas eu mal sur le coup, mais à nouveau, je n’étais pas bien les jours suivants. Et le samedi, à l’échauffement, je me reprends un ballon dans le visage. Là par contre, c’était la goutte d’eau, ça n’allait pas du tout. Mais j’ai quand même joué dans les dix dernières minutes. Les vacances de Noël sont ensuite arrivées, et là, je ne pouvais même pas conduire, j’avais l’impression d’être dans le brouillard, les écrans et le bruit me dérangeaient.
Quels étaient exactement les symptômes que vous avez ressentis ?
J’en avais énormément. J’étais irritable, ça se voyait avec ma fille, je pouvais m’énerver. J’avais des vertiges, je n’arrivais plus à lire, à regarder les écrans. Et puis j’étais fatiguée, incapable de faire une activité sportive, et de me concentrer sur la moindre chose. J’avais vraiment l’impression d’être dans un brouillard, je ne me sentais pas normale, comme sur une autre planète.
Etaient-ce des chocs habituels, qui ressemblent à ceux que vous subissez fréquemment ?
Oui, ça parait anodin, j’ai reçu énormément de ballons au visage. Le problème, c’est lorsqu’on en prend plusieurs successivement. Normalement, on est censées s’arrêter jusqu’à la fin des symptômes. Mais des fois, on prend un impact, on ne s’arrête pas, on recommence à jouer et on a juste de la chance de ne reprendre de chocs. Là, j’ai repris deux impacts, c’est ça qui est très risqué.
Les commotions sont très encadrées dans d’autres sports, et vous êtes exposée en tant que gardienne. La prévention est-elle assez développée dans le handball ?
On n’a pas assez conscience du risque, c’est ce qui m’est arrivé. J’ai continué, j’ai même repris en janvier et ce n’était pas bon. Mais mon cas va servir, c’est ça qui est bien. Je suis bien entourée par mon club, par la Fédération. C’est important d’en parler, de montrer que ça peut arriver, et ce qu’il faut faire dans ce cas-là.
Là, par exemple, je suis un protocole créé par le club du LOU Rugby. On a des personnes compétentes, dans d’autres sports plus avancés. Je vais aussi faire un travail de renforcement musculaire au niveau des cervicales, que je n’avais jamais fait auparavant. Ce sont des axes de travail importants en tout cas.
« Un expert en neurologie m’a tout de suite arrêtée trois mois, et interdit de reprendre jusqu’à la fin des symptômes. »
Vous ne vous êtes pas alarmée tout de suite, vous avez essayé de revenir. Qu’est-ce qui vous a fait comprendre qu’il fallait arrêter ?
Au départ, on a suivi un protocole, mais j’avais toujours des symptômes. On n’avait pas l’apport d’un neurologue confirmé. Ce n’est qu’après, en voyant le Docteur Jean-François Chermann (neurologue spécialisé dans les commotions) que je me suis rendu compte que je ne pouvais pas jouer. C’est quelqu’un qui est expert dans ce domaine-là et il m’a tout de suite arrêtée trois mois, et interdit de reprendre jusqu’à la fin des symptômes.
Avez-vous une crainte de vous blesser à nouveau ?
Je ne pense pas que j’aurai de l’appréhension à ma reprise, j’ai confiance quand on me dit les choses, et j’ai beaucoup discuté avec Romain Bordas (orthoptiste, spécialiste des commotions). Ce que j’ai compris, c’est que lorsqu’on a récupéré, on a récupéré. Je ferai attention bien sûr, et si je prends un ballon, je m’arrêterai. Je sais que c’est un risque, on en reçoit souvent, mais ça ne me fait pas plus peur que cela.
Cette période loin du handball vous a-t-elle quand même fait du bien ? Ou le sport vous manque trop ?
Un peu des deux, ça m’a fait du bien parce qu’au quotidien, le sport de haut niveau, c’est beaucoup de contraintes. J’ai pu prendre le temps, me poser. Ça m’a permis de voir ma fille, elle a trois ans, plein de choses se passent à cet âge-là. Ça lui a fait du bien à elle aussi que je sois là. Après, c’est sûr que le hand me manque, mais surtout le sport, je me suis rendue compte à quel point ça me faisait du bien de me dépenser. Là, je suis plus énervée à la maison, j’ai de l’énergie à revendre. Et le fait d’être avec les filles, l’esprit d’équipe, l’adrénaline, c’est sûr que j’en ai également besoin. Mais la vie à côté est bien aussi !