Champion d’Europe des super-moyens, Kevin Lele Sadjo est un des meilleurs boxeurs français actuels. Invaincu chez les pros, machine à KO, « The Punisher » va vivre une soirée très spéciale ce dimanche (en direct à partir de 20h30 sur RMC Sport 2) avec un combat contre l’Allemand Sven Elbir pour la ceinture WBO Inter-Continental à Créteil, sa ville, son fief, où il réside depuis son arrivée en France du Cameroun dans l’enfance.
« Vous me mettez la pression d’un coup ! » Sourire aux lèvres, Kevin Lele Sadjo ne cache pas ses sentiments quand on lui demande ce qu’il ressentira en regardant le public lors de son combat contre Sven Elbir ce dimanche soir pour la ceinture WBO Inter-Continental. Le Français invaincu (19-0, 17 KO ; 33 ans) a pourtant de l’expérience. Mais là, il va vivre un moment très particulier. Car le combat se déroulera à Créteil, sa « ville d’adoption », son fief, là où il a débarqué du Cameroun avec sa mère pendant l’enfance.
Là où il a ouvert un restaurant – aujourd’hui en gérance – près de l’université où il a étudié. Là où il a brillé au football, défenseur chez les moins de 19 ans nationaux à l’US Créteil-Lusitanos, et où il a développé un côté bagarreur qui a poussé un proche à l’orienter vers une salle de boxe de la ville voisine de Saint-Maur pour emprunter un chemin qui allait le mener au plus haut niveau. Pour le premier gala monté par lui-même, en co-organisation avec son promoteur Yohan Zaoui (Y12 Boxing), Kevin Lele Sadjo va combattre pour la première fois de sa carrière pro à Créteil. Face à sa famille – maman ne sera pas là, comme toujours quand il monte dans le ring –, à ses proches et aux amis de son quartier. Un symbole important pour lui.
« Je suis beaucoup soutenu par les jeunes de ma ville, les jeunes de mon quartier, et je pense que c’est la boxe qui m’a permis de devenir ce que je suis, à savoir un homme avec des responsabilités, des principes, expliquait-il ce jeudi dans un entretien sur la chaîne Twitch de RMC Sport. La seule façon de remercier et de montrer aux jeunes de ma ville, et d’autres villes, qu’on peut s’en sortir à travers le sport était d’organiser ce gala pour qu’ils viennent me soutenir et voient qu’on peut partir de très loin et arriver au plus haut niveau. »
Il y aura de l’émotion dans l’air au Palais des Sports Robert-Oubron. Dans les tribunes comme entre les cordes. « Pour moi, c’est une fierté, poursuit-il. Je suis très content d’organiser ce gala dans ma ville mais j’ai les deux sentiments : je suis aussi stressé car je vais porter le poids de toute une ville, et même d’un pays, et c’est dur. Ma famille va venir, le maire m’a mis la pression en me disant que j’avais intérêt à gagner… » Un défi largement à la portée de celui qu’on surnomme « The Punisher » pour sa capacité à éteindre. » J’ai analysé mon adversaire, il est largement dans mes cordes. »
On peut le croire. Méconnu du grand public, Lele Sadjo est un sacré talent du noble art tricolore. Ancien champion de France amateur, passé chez les pros en juin 2017, le Cristolien écrase tout sur son passage depuis. Sept mois après son passage chez les pros, pour son quatrième combat rémunéré, il devient champion de France des super-moyens. Huit combats plus tard, il s’offre un premier titre international avec la ceinture WBA Inter-Continental. Il la défendra deux fois avant de signer un exploit XXL en décembre 2021. Alors qu’il prend le combat en dernière minute pour remplacer un boxeur forfait, Lele Sadjo va disputer la ceinture européenne EBU vacante au Britannique Jack Cullen chez lui, à Manchester, devant près de 20.000 personnes, et le met son TKO au sixième round malgré une salle acquise à son adversaire.
« Si je perds, je recommence à zéro »
Une victoire sublime qui ouvre les yeux à beaucoup sur son talent et son potentiel. Il défend son titre fin 2022, un nouveau TKO face à l’Allemand Emre Cukur, et devrait encore le faire dans les prochains mois contre l’Italien Giovanni De Carlos (des enchères pour la promotion de ce combat sont prévues le 6 juin). En attendant, il faudra passer l’obstacle Sven Elbir (19-1, 14 KO ; 29 ans). Avant de se tourner vers les sommets. Septième du classement WBC, quatorzième pour l’IBF, « The Punisher » n’est plus très loin des hauteurs mondiales et des combats qui vous font rentrer dans la légende.
Au plus loin de l’horizon, il y a le champion incontesté à quatre ceintures de la catégorie, la superstar Saul « Canelo » Alvarez, dont il avoue qu’il lui est supérieur… « pour l’instant ». Chez les super-moyens, il y a aussi Christian Mbilli, autre force de la boxe française venue du Cameroun aujourd’hui mieux classée que lui, côtoyé chez les amateurs où les deux ont échangé une paire de combats pour une victoire chacun. Lele Sadjo aimerait la belle pour un championnat du monde, au sommet de la planète boxe.
On n’y est pas encore. Mais on s’en approche. Et chaque sortie sur le ring devient encore un peu plus un rendez-vous à ne pas manquer pour celui qui reconnaît (comme l’immense majorité des boxeurs, et c’est bien humain) la part de peur qui l’envahit avant chaque combat. « Franchement, aujourd’hui, j’ai beaucoup de pression, avoue-t-il. Car quand tu arrives au haut niveau, tu n’as plus le droit à l’erreur. Tout est calculé. Avant, tu pouvais avoir des défaites. Là, on n’a plus le droit à la défaite sinon on dégringole des classements et je perds tout. Si je perds, je recommence à zéro. Je préfère arrêter la boxe. Il faut que je perde un championnat du monde, mais pas là. » Surtout face aux siens.