Dans un climat pesant de campagne électorale qui se déroule sur fond d’agressions sexuelles, la Fédération française d’équitation (FFE) a attaqué Amélie Quéguiner, victime présumée, pour diffamation. L’audience au tribunal correctionnel de Périgueux est prévue le 28 avril.

« Il y a une volonté farouche de me faire taire, et à travers moi, de faire taire des dizaines de victimes. Selon eux, ces affaires se règlent dans le silence », réagit Amélie Quéguiner pour RMC Sport. Fin mars, quand un huissier est venu lui remettre sa citation à comparaître devant le tribunal de Périgueux, l’ex-cavalière professionnelle nous dit avoir vécu 48 heures assez sombres: « Je me suis demandé pourquoi j’avais fait ça, mais je le fais pour aider d’autres victimes ». L’ancienne cavalière, qui avait affirmé dans la presse avoir été victime pendant son adolescence de viols et d’agressions sexuelles commis par deux entraîneurs et un conseiller technique régional, fait l’objet d’une plainte en diffamation. À l’origine de celle-ci: Serge Lecomte, le président sortant de la Fédération française d’équitation (FFE).

Parce que, une interview accordée à l’Obsdans laquelle elle évoque notamment le cas Caudal. Loïc Caudal, ancien employé de Serge Lecomte, condamné une première fois pour atteinte sexuelle sur mineure en 2013, avait écopé en 2017 d’une seconde condamnation pour agressions sexuelles sur trois mineures, avant d’être embauché comme chauffeur de véhicules publicitaires par la FFE. « Une personne capable de protéger un pédocriminel et de le maintenir en poste sachant qu’il risque de le mettre en situation de récidive n’a rien à faire à la tête d’une fédération sportive, rien à faire nulle part d’ailleurs », avait dénoncé Amélie Quéguiner dans les colonnes du magazine.

Une plainte en pleine campagne électorale

La tension est à son comble alors que l’élection fédérale bat son plein, sur fond d’affaires de violences sexuelles. Le sujet s’est invité à plusieurs reprises dans la campagne. Amélie Quéguiner avait adressé début février une lettre ouverte à Serge Lecomte et aux deux autres candidats à la présidence de la FFE, interpellant le président sortant et demandant des actions efficaces contre la pédocriminalité dans l’équitation tricolore.

Pour l’avocate de celle qui est aujourd’hui éleveuse de chevaux en Dordogne, le timing de cette action en justice n’est pas anodin. « L’interview est parue pendant la campagne, et la comparution devant le tribunal correctionnel a lieu le lendemain de l’élection. M. Lecomte veut se protéger et se défendre en vue de cette échéance », pointe Me Corinne Raynal-Violante. Sa cliente s’étonne également: « Il remet sur le tapis ces affaires de violences sexuelles pendant la campagne et reproche aux parties adverses de s’en servir, alors que ce n’est pas du tout le cas ».

Le président s’estime visé « pour des raisons politiques »

Le président de la FFE estime au contraire qu’Amélie Quéguiner alimente une campagne de déstabilisation à son encontre dans ce contexte électoral. « On ne peut pas jeter l’opprobre comme cela, sans preuve. Elle ramasse tout ce qu’elle voit dans la presse, amplifie et me rejette le tout au visage, explique Serge Lecomte à RMC Sport. Nous avons prévenu plusieurs fois Mme Quéguiner de ne pas colporter de fausses informations. Mais quand vous êtes visé régulièrement pour des raisons purement politiques, vous finissez par réagir ».

Le patron de l’équitation française répète n’avoir eu connaissance qu’a posteriori de la première condamnation de l’ex-salarié de son centre équestre de Suresnes (Hauts-de-Seine): « On ne peut pas faire tout ce raffut et écraser des gens pour des faits qui ont été jugés, déplore Serge Lecomte. Et il faut préciser de quelle condamnation on parle. Pour atteinte sexuelle sur une mineure de plus de 15 ans, à quinze jours de prison avec sursis ».

La fédération assure être « exemplaire »

La plainte pour diffamation qui vise Amélie Quéguiner a en tout cas surpris l’association Colosse aux pieds d’argile, qui lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Elle accompagne Amélie Quéguiner depuis sa sortie du silence et a aussi récemment signé une convention avec la FFE. « Nous ne sommes en aucun cas solidaire de cette action en justice, et à ce titre nous avons demandé des explications à la fédération, réagit Sébastien Boueilh, président de l’association, dans un communiqué. En fonction des éléments apportés, nous nous réservons le droit de dénoncer la convention qui nous lie ».

« Nous sommes exemplaires sur le traitement des affaires sexuelles, se défend Serge Lecomte. Nous avons à la fédération une juriste spécialisée sur la question, une vingtaine de dossiers ont été envoyés au ministère depuis début 2020 ». De son côté, Amélie Quéguiner dénonce un déni de la fédération. Elle doit comparaître le mercredi 28 avril devant la chambre correctionnelle du tribunal de Périgueux.

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