Umar Kremlev est une catégorie rare dans le sport de 2023. Il est Russe et président d’une fédération internationale, l’IBA, la fédération internationale de boxe. Le CIO lui a retiré l’organisation des compétitions qualificatives pour les Jeux, faute de transparence. Pas grave pour Kremlev, bien décidé à révolutionner son sport à coups de dollars et de compétitions. Ce jeudi, il a présenté ses idées à Paris lors d’une conférence de presse.

C’est dans le cadre très luxueux de l’hôtel Shangri-La à Paris (16e arrondissement) que Umar Kremlev a accueilli la presse. Sous les lustres en cristal, le Russe, qui ne jure que par Instagram, a commencé par raconter sa rencontre avec le pape François, avant de faire un parallèle entre boxe et église catholique.

L’homme d’affaires veut nettoyer le sport, dégager les arbitres corrompus et, surtout, payer les boxeurs à leur juste valeur. Au milieu de ce discours, son rêve d’éradiquer l’alcoolisme grâce à l’éducation par le sport. Présent à la conférence de presse, les champions français Sofiane Oumiha et Estelle Mossely sont conquis par cette nouvelle approche. Le point sur les principaux dossiers chauds de l’IBA.

La décision du Tribunal Arbitral du Sport, la guerre avec le CIO

Suite à une décision du Comité international olympique (CIO), l’IBA a perdu ses prérogatives pour organiser les tournois de qualification (TQO) en 2024. Une suspension confirmée par le Tribunal arbitral du sport (TAS) en première instance. Kremlev a une dent contre ceux qu’il appelle « les fonctionnaires » : « On ne s’inquiète pas de cela. Nous avons des juristes. Notre objectif, ce sont nos tournois. Nous trouvons la décision du TAS injuste. Si ça ne marche pas avec le TAS, nous irons devant une autre instance. Nous ne laisserons pas ces personnes décider du sort de la boxe. »

Si la justice ne change pas d’avis, l’IBA devra se contenter de s’occuper des Mondiaux ainsi que des tournois qu’elle compte mettre en place.

La boxe en suspens à Los Angeles 2028

Conséquence de la mauvaise gestion de la boxe par l’AIBA, l’ancêtre de l’IBA, et de la guerre Kremlev-CIO, la boxe amateur n’apparaît pour l’instant pas au programme des Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. La situation n’est pas tranchée. Le pays de la boxe peut-il se passer de la boxe ? Kremlev n’y croit pas : « La boxe est l’un des principaux sports du mouvement olympique. Les deux sports le plus populaires sont la boxe et le football. Si on doit retirer la boxe des Jeux, les JO vont perdre en popularité. La boxe, elle, ne perdra rien, regardez comme les pros sont célèbres. »

Les Russes sous bannière neutre à Paris ?

Après le déclenchement du conflit en Ukraine, les dirigeants russes des fédérations mondiales ont été virés, exfiltrés, envoyés à la retraite. Umar Kremlev, lui, s’est fait sa place au sommet de l’IBA, avec des fonds de son pays. Il est absolument contre la décision de voir Russes et Biélorusses s’aligner sous bannière neutre lors des JO 2024 : « Dans le sport, il ne faut jamais humilier les athlètes. Pourquoi y’a-t-il toujours des méchants et des gentils? Quand vous dites à un athlète de combattre sous bannière neutre, on l’humilie. Quand un combattant se bat c’est pour son pays, pour que le pays soit fier. »

Le CIO n’a pas encore pris sa décision sur ce point. L’IBA a été la première fédération à
laisser Russes et Biélorusses participer à un championnat du monde sous leurs propres couleurs. Plusieurs nations avaient boycotté.

L’IBA et la France

Umar Kremlev a plein de plans pour la France. Estelle Mossely, ambassadrice de l’IBA, n’y est pas étrangère. « J’en ai parlé à Umar », confirme la championne olympique 2016. « Ca mettrait la lumière sur notre pays. Les JO, c’est pour toute la France. » Deux IBA Champions Night vont se dérouler à Paris et Lyon, la ville où Mossely est licenciée. La France n’a jamais accueilli de championnats du monde amateur. Pour 2025 voire 2026, Kremlev y réfléchit avant de jeter la balle dans le camp de la fédération française. Il songe également à créer un centre de formation pour boxeurs et entraîneurs. « Je ne veux plus de drogués et d’alcooliques dans le monde », clame Kremlev. « Grâce au sport, on peut prendre l’ascenseur social. »

Les nouveautés

Comme un champion du monde professionnel, un champion du monde amateur devra défendre sa ceinture deux fois par an. En cas de victoire, il recevra 300 000 dollars, le perdant 200 000. Un classement mondial sera créé et des primes iront aux mieux classés. Kremlev a été irrigué par l’argent de Gazprom. Il lorgne tous les secteurs pour gonfler ses prize-money : loterie, bookmakers… Une révolution pour des sportifs qui ont souvent combattu pour des queues de cerise.

L’IBA paiera directement les boxeurs en passant des contrats directement avec les champions. Elle organisera aussi des Champions Night sur chaque continent. Elle zyeute aussi du côté professionnel et n’exclut pas des partenariats avec les grandes fédérations pros (WBA, WBC, WBO, IBF). Kremlev ambitionne d’être la première association pro et amateur au monde. « J’ai rencontré le pape et il a parlé de paix,
de nécessité d’aider les gens. L’IBA est le temple de la boxe. On peut faire le parallèle avec l’église catholique qui aide les nécessiteux », clame le très croyant Kremlev.

La corruption, l’arbitrage

C’est le domaine qui a précipité les tourments de la boxe olympique. L’ancien président de la Fédération internationale, le Taïwanais Ching-kuo Wu, a été raccompagné vers la sortie. Il était au cœur de la magouille. Kremlev affirme que toutes les équipes de Wu sont maintenant persona non grata. Quant à l’arbitrage, il promet de radier à vie tout arbitre (ils sont fonctionnaires de l’IBA) coupable de tricherie. Par ailleurs, les boxeurs auront la possibilité de faire appel dès la fin d’un combat et un groupe d’experts aura 15 minutes pour conserver ou non la décision du ring .

« J’ai vu les injustices en boxe amateur. Parfois, c’est le pays le plus puissant qui gagnait ou celui qui organisait. En deux ans, nous avons changé les mentalités. Depuis 30 ans, la corruption existait, nous avons fait un travail considérable. »

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