L’ancien champion de France des super-moyens Rachid Jkitou, invaincu en 28 combats professionnels, réside à Marrakech. Cette nuit, il a vécu le séisme qui a ébranlé cette région du Maroc, faisant de terribles dégâts. Il raconte ce moment terrible et cette nouvelle attente, toujours souriant et calme.
Rachid Jkitou, racontez-nous ce qu’il s’est passé cette nuit à Marrakech?
On était tous à la maison, ma femme et mes trois enfants. J’étais au bord de la fenêtre en train de contempler le ciel et là je sens un tremblement au niveau de notre immeuble. Je ne savais pas ce qu’il se passait. J’ai cru que c’était le petit qui remuait la table. Je me retourne et je ne vois aucun gamin! Ça tremblait. Le carrelage se décollait. C’était impressionnant. Les cadres tombaient et les vases aussi. Je regarde l’immeuble en face de moi, un hôtel. L’hôtel est en train de bouger. Le Novotel était en train de danser. J’avais l’impression d’être fou. Je me suis demandé si je pétais les plombs. Notre immeuble tremble, bouge. Les hôtels en face, j’ai eu l’impression qu’ils voulaient s’arracher de la terre. Il y a avait un bruit que je ne sais pas décrire, comme un rugissement, c’était spécial. C’était assez violent, assez puissant. Les enfants sont venus apeurés vers moi avec ma femme. On a eu quelques secondes avant de pouvoir sortir de la maison. On a appelé Dieu à l’aide. A ce moment-là, tu ne peux rien faire de plus. Dehors, il y avait énormément de monde qui se sauvait.
Vous avez pris femme et enfants sous le bras et vous êtes sortis?
On s’est tous pris dans les bras, j’ai attrapé la main de mes enfants et tout le monde dehors. On est parti en courant. On a retrouvé les voisins. On a essayé d’être tous solidaires les uns avec les autres.
Votre immeuble est-il toujours debout?
Notre immeuble est debout mais fissuré de deux côtés. Beaucoup de gens ont pris leurs affaires et sont partis. Certains de mes voisins ont dormi dans des parcs. D’autres sont allés dans des maisons. On avait peur d’une deuxième secousse c’est pour ça que tout le monde est parti.
Etes-vous resté dehors depuis cette nuit?
On reste une heure, deux heures dehors. Puis tu te demandes si tu ne vas pas renter. A ce moment certaines personnes te disent qu’il va y avoir une réplique. Au bout de 3h, on est remonté à la maison mais pratiquement tout l’immeuble est parti.
Avez-vous réussi à expliquer à vos enfants ce qu’il s’est passé? A les calmer?
Ce n’était pas évident. Sur le coup ils ont eu vraiment peur. C’était très puissant et très violent. On les a pris dans les bras, on a essayé de les consoler. A l’heure à laquelle je vous parle ils sont un peu fragiles là-dessus.
Qu’avez-vous fait ? Vous essayez de rester tous ensemble avec vos voisins?
On est parti manger à l’extérieur avec ma femme et mes enfants. On voit les amis. On essaye de se renseigner. Il y a eu beaucoup de dégâts dans d’autres quartiers. Des amis ont eu leur maison détruite. On essaye de profiter du calme. Pour l’instant on n’envisage rien. C’est déjà une grande nouvelle que l’on soit déjà là avec la famille et les amis. On pensait y passer.
Y a-t-il la peur de recevoir une mauvaise nouvelle?
On a appelé pratiquement tout le monde. Il y a tellement de dégâts qu’on a peur d’une mauvaise nouvelle. C’est déjà une grande perte pour nous de voir un bilan aussi tragique. On espère ne pas avoir d’autre mauvaise nouvelle.
Est-ce qu’avoir été boxeur et champion aide dans une telle situation?
Je ne crois pas que c’est la boxe (sourire). J’ai pris ma femme et mes enfants et on s’est sauvé. C’est plus ma foi qui m’a sauvé qu’autre chose.
Vous préparez-vous à rester dehors plusieurs jours?
C’est arrivé tellement soudainement. On n’était pas préparé. Pourquoi attendre une réplique? Ce qui doit arriver arrivera. Il n’a y a pas eu de blessés. Je n’ai pas envie d’envisager le pire. On va rentrer à la maison, sous la protection de Dieu.