Placer les Bleues sur la carte mondiale du volley, telle fut la volonté politique de la nouvelle administration fédérale installée en 2015, volonté décuplée par l’obtention, en septembre 2017, de l’organisation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris.
« Hors de question de laisser une mauvaise image »
« On était 56es mondiales (absentes aux Euros 2015 et 2017), c’était indigne alors que les autres sports de salle performaient chez les filles comme chez les hommes. Alors on a monté un programme féminin. Avec les JO à Paris en perspective (les Françaises sont qualifiées d’office), il était hors de question de ne pas gagner un set et de laisser une mauvaise image », raconte Éric Tanguy, le président de la FFVolley.
Il recrute en 2017-2018 le Belge Émile Rousseaux, formateur réputé, pour développer le secteur féminin et guérir l’équipe nationale en profitant de l’appel d’air financier des JO 2024, via les aides de l’Agence nationale du sport (ANS). « En 2015, pour les équipes de France féminines, le budget était de 200 000 euros. Il est de 700 000 aujourd’hui et montera à 850-900 000 euros en 2024 car les Bleues se sont qualifiées pour la Ligue des nations, qui se joue sur trois continents », précise Tanguy.
Augmentation sensible des jours de stage, conditions de séjour améliorées et organisation de matches ou de compétitions face à des grosses nations (tournoi de France en 2022, Challenger Cup en 2023) ont été la priorité du programme.
Depuis, les Bleues ont grimpé dans la hiérarchie, ont remporté deux trophées, certes mineurs (Golden League 2022, Challenger Cup 2023), et gagné leur billet dans le top 16 mondial, la Ligue des nations (VNL). « On est là où on voulait être », résume Tanguy.
« Les filles ont été courageuses »
Pilier de la sélection, la capitaine Héléna Cazaute (25 ans) a avancé avec le programme de professionnalisation des Bleues. « Maintenant, on joue contre des nations qui, à l’époque, n’auraient même pas répondu au téléphone pour nous recevoir », dit-elle. Avant l’Euro, l’équipe de France a effectué un stage d’une semaine à Berlin avec deux matches amicaux contre l’Allemagne (11e mondiale). « Il fallait des accélérateurs, car former des joueuses et les amener au plus haut niveau mondial prend du temps. Les filles ont été courageuses car on a commencé petit, dans des salles de 400 places », reprend Éric Tanguy.
La sélection participe à son troisième Euro d’affilée, a obtenu en 2021 (7e place) son meilleur résultat international depuis 1987 (7e place également) et va intégrer le gotha en Ligue des nations l’an prochain. Le fruit du travail, des sacrifices lors de longs étés, des rencontres face aux meilleures et des moyens mis pour étoffer le staff, désormais aussi fourni que celui des hommes champions olympiques.
Deux kinés, un préparateur physique et un préparateur mental accompagnent l’équipe technique d’Émile Rousseaux. « Et sur nos lieux de stage, on a souvent des entraîneurs de clubs pros qui nous rejoignent bénévolement pour faire du travail individuel », se félicite le sélectionneur. « Les joueuses avaient même accepté (en 2018) de sacrifier une partie de leur indemnisation (un plancher de 15 euros par jour, réévalué depuis) pour qu’elle soit investie dans les moyens matériels mis à disposition », indique Emmanuel Fouchet, le manager des Bleues.
« Une expérience inégalable »
Flécher des moyens sur l’équipe nationale pour la professionnaliser resterait vain sans le développement des joueuses. Mais le volley féminin français traîne un boulet aux pieds avec l’inertie de ses clubs pros, qui privilégient très largement les étrangères sur le terrain.
Pas facile dans ces conditions de mettre en route une équipe nationale compétitive. Alors, celle-ci compte avant tout sur un quatuor de cadres parti à l’étranger, dans des Championnats d’élite, en Italie ou en Turquie, d’abord la centrale Christina Bauer, puis désormais les attaquantes Héléna Cazaute et Lucille Gicquel et la prometteuse centrale Amandha Sylves (22 ans). « On a de nouveau des joueuses qui s’exportent et ramènent l’expérience inégalable de se confronter toute la saison à des joueuses et des équipes de très haut niveau », signale Emmanuel Fouchet.
Et puis il y a celles qui s’exilent – une dizaine – car elles ne trouvent pas de place en France, comme la passeuse Nina Stojiljkovic, passée par la Slovénie, la Serbie et désormais en route pour la Roumanie. L’IFVB de Toulouse, qui accueille aujourd’hui France Avenir 24 (équipe engagée en Ligue féminine), a vu passer treize des quatorze Bleues présentes à l’Euro. Mais, comme le déplore sans cesse Émile Rousseaux, « les clubs prennent zéro risque avec les Françaises, et le vivier n’est pas assez développé. » La métamorphose n’est pas encore totalement réalisée.