Les volleyeuses de l’équipe de France, onzièmes au ranking européen, débutent leur saison internationale par un match amical contre la Bulgarie, ce mercredi au Palais des Sports de Metz (19h). Après leur victoire en Golden League l’an dernier, le sélectionneur des Bleues Emile Rousseaux fait le point pour RMC Sport avant trois compétitions denses.

Le succès en Golden League européenne la saison dernière vous impose-t-il une obligation de résultat en cet été 2023?

Emile Rousseaux: Non, je ne le vois pas comme ça. L’obligation se trouve dans la meilleure préparation possible pour que les joueuses donnent la meilleure version d’elles-mêmes. L’obligation ne dépend pas que de nous mais aussi de nos adversaires qu’il faut respecter. S’il suffisait de dire qu’on va tout gagner, ce serait facile. Or, le sport ce n’est pas ça. La meilleure préparation optimise la chance d’avoir une meilleure version de nous-mêmes en match et de mettre la misère à nos adversaires si elles ne se trouvent pas dans un grand jour. Il ne faut pas mettre aux Bleues cette pression-ci ou cette obligation-là. Beaucoup d’entre elles ont des doutes, des baisses de confiance et si, en plus, on leur dit qu’elles doivent absolument gagner, je ne pense pas que cela participe à leur épanouissement qui est un gage de leur performance.

Cette victoire en Golden League a dû apaiser ces doutes, non?

Oui, mais il y a une différence entre tout donner pour arriver sur la plus haute marche et dire qu’on va le faire, en ayant une plus grande gueule que les autres. Mais bon, nous sommes arrivés là où nous devions arriver. Enfin ! Je dis enfin car je pense que les jeunes françaises vont être enfin placées dans le moule de l’exigence du haut niveau.

Comment allez-vous préparer cette saison internationale qui sera chargée et excitante?

Nous aurons un été extrêmement plein avec d’abord la Golden League, à partir du 4 juin avec l’Ukraine et la Hongrie en phase de poules. Puis du 27 au 30 juillet, nous jouerons la Challenger Cup à Laval (un Top 8 à élimination directe). Enfin, nous terminerons par les championnats d’Europe du 27 août au 3 septembre organisés par la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et l’Estonie. Nous avons déjà réuni les volleyeuses qui ne jouaient pas les playoffs du championnat et tout le monde arrive. Ce sera une saison extrêmement dense car les joueuses n’auront que huit jours de repos durant cet été. Mais il faut se rendre compte que c’est pareil pour les Américaines, les Chinoises ou les Brésiliennes. On ne peut pas rêver d’atteindre leur niveau en pensant que les contraintes devraient être différentes pour nous. On entre dans la cour des grandes au niveau des contingences et des contraintes compétitives. Avec beaucoup de matches amicaux et en compét’, il faudra performer mais aussi être capable de bien rebondir car, quand on joue dans trois compétitions internationales, les risques d’être en difficulté existent. Immanquablement, nous rencontrerons des difficultés qui feront partie du développement d’un groupe pour passer des caps. Gagner, rebondir, s’ajuster : c’est la culture du très haut niveau car la victimisation n’apporte rien.

Vous avez un groupe élargi?

Vu le nombre de compétitions, nous aurons une sorte d’équipe de France A’ avec 45 jours de regroupement durant l’été (au lieu de 25 jours habituellement). Certaines joueuses seront ainsi maintenues en température, au niveau d’exigence des Bleues, en cas de problèmes physiques et psychologiques ou un besoin de repos. On va essayer de conserver la dynamique de groupe tant que les filles ont les bonnes attitudes et sont performantes. On va capitaliser mais la loi du sport de haut niveau sera dure si les performances ne sont pas au rendez-vous.

Vous êtes encore dans un période d’essai avant les JO de Paris 2024?

Non, on capitalise sur le travail accompli ces dernières années. On n’est plus dans les hypothèses même si on suit tout le monde.

Vous vous appuyez sur des joueuses qui évoluent à l’étranger. L’avenir de certaines Bleues passera par une expérience hors du championnat français?

On voit l’exemple de l’équipe de France masculine. Oui cela fait partie de leur cheminement mais si des clubs français veulent se structurer financièrement et sportivement pour mettre en place un staff complet, c’est très important, et constituer un groupe de volleyeuses de très haut niveau, ils peuvent le faire. Aujourd’hui, les réalités économiques sont indiscutables. A Chieri, Héléna Cazaute a remporté la CEV Challenge Cup. Elle a joué un championnat canon. C’est une joueuse dominante quand on voit ses statistiques. Elle fait partie du quatuor des meilleures en attaque en Italie, un service dans les trois meilleures et dans les cinq meilleures en réception. Elle est passée d’une bonne joueuse française à une très bonne joueuse internationale. C’est dans la logique des choses car elle a des idées claires et des attitudes cohérentes, de l’endurance et de la détermination.

Dans ce sens, performer en coupes d’Europe sera la prochaine étape des clubs français?

Dans l’absolu oui, mais il faut arrêter de penser qu’on peut gagner un Grand Prix de Formule 1 avec une Clio. Si on veut entrer dans cette cour, on se fait des illusions de penser qu’avec un budget trois à quatre fois inférieur aux cadors européens, les clubs français pourraient être au même niveau, de façon pérenne. Les clubs italiens et turcs mettent beaucoup d’argent sur la table pour être performants au niveau européen.

Propos recueillis par Morgan Besa

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