À partir de ce vendredi, les fleurettistes français(es) disputent la première étape de Coupe du monde qui rapportera des points en vue de Paris 2024. Les femmes sont à Plovdiv (Bulgarie) tandis que les hommes ont rendez-vous à Acapulco (Mexique). Pauline Ranvier, vice-championne olympique par équipe à Tokyo, se confie sur cette étape importante et le contexte toujours particulier dans le milieu de l’escrime.

Pauline, vous disputez ce week-end la première étape de Coupe du monde qui comptera pour la qualification à Paris 2024. Que ressentez-vous ?

En soi, cela ne change pas grand-chose, ça reste une étape de Coupe du monde importante comme les autres. En revanche cela rajoute un peu de piment car on sait que la qualification olympique commence. Au final, le temps est passé très vite et on se replonge déjà dans une qualif. On va directement être dans le vif du sujet ce week-end pour ce parcours qui va durer un peu moins d’un an. La première étape est importante mais on sait que ça va être long. Il faudra rester concentré sur toute cette période et on a à cœur de faire le mieux possible assez rapidement pour se concentrer sur la performance une fois la qualification acquise.

Pour débloquer des quotas en individuel (trois par genre pour chaque arme à Paris 2024), il faut terminer dans les quatre premières nations mondiales par équipe. Cela change-t-il votre manière d’aborder ces compétitions ?

C’est sûr que la priorité va être sur l’équipe ! Qualifier l’équipe est primordial même si on a aussi à cœur de réussir en individuel et de faire nos performances… Mais c’est sûr qu’on aura une attention toute particulière pour le dimanche et le par équipe. On doit être toutes en forme, toutes à 200% avec l’objectif d’aller chercher la meilleure performance possible. C’est ça la petite différence : sur certaines Coupes du monde on se dit qu’on peut tester des choses, chercher nos repères même si on est toujours dans un objectif de gagne. Là, clairement, il faudra performer et marquer des points très importants assez rapidement.

Comment gère-t-on le fait, sur le même week-end, de concourir contre vos coéquipières françaises en individuel puis avec elles, en équipe ?

De l’extérieur cela ne semble pas évident… Est-ce facile à gérer ? Je ne sais pas, mais nous sommes baignées dedans depuis toujours. Depuis les catégories cadet et junior, on a toujours l’habitude de ce format, c’est ce qui fait la beauté de notre sport : être capable d’être concurrentes sur l’individuel et en même temps coéquipières sur l’équipe. On a l’habitude. Sur l’individuel, chacune fait son truc de son côté pour performer et par équipe, on a clairement un objectif commun, qui est évidemment centré sur Paris 2024. On n’a pas de soucis là-dessus.

Personnellement, vous êtes huitième mondiale, un classement que vous n’aviez jamais atteint. Est-ce la meilleure période de votre carrière ?

Oui, c’est ma meilleure saison depuis toujours. Je me sens bien en forme. Ça fait des années que je m’entraîne pour ça. Après l’année dernière, qui a été mauvaise mais avec un bon championnat du monde (sortie en quarts de finale), en même temps avec beaucoup de regrets, j’ai pas mal pris sur moi, réfléchi, pris le temps. Je suis passée par un vrai moment d’acceptation pour être capable de me dire que tout n’était pas seulement lié au résultat. Qu’il fallait accepter d’échouer pour gagner. Je me sens plus libérée d’accepter de perdre, ne pas être bonne. Ce qui m’a rendu performante ces derniers mois, c’est d’être en accord avec moi-même, m’appuyer sur le travail que j’ai fait, sentir les progrès et que cela se voie à travers les résultats.

La Française Pauline Ranvier, en pleurs après la victoire face à l'Italie, en demi-finale du fleuret par équipes, le 29 juillet 2021 aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020
La Française Pauline Ranvier, en pleurs après la victoire face à l’Italie, en demi-finale du fleuret par équipes, le 29 juillet 2021 aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 © Fabrice COFFRINI © 2019 AFP

Maintenant, j’en veux encore plus car je sens que je peux faire mieux. Je me satisfais évidemment plus des victoires et des podiums… Certes, aujourd’hui je fais des quarts de finale ou des tableaux de 16 et j’ai toujours recherché cette régularité et à rentrer dans le top 10. J’ai réussi certains de mes objectifs intermédiaires. Ça me donne envie de faire mieux, d’en faire plus. Je pense que c’est encore un long travail sur la piste ou au niveau mental. J’ai acquis certaines choses via le lâcher-prise et l’acceptation, je fais beaucoup de travail sur moi-même car le sport de haut niveau n’est pas un long fleuve tranquille. Je sais que je ne suis pas à l’abri d’échecs qui m’aident à rebondir et faire encore mieux à chaque compétition.

Pour progresser, vous êtes-vous tournée vers des membres de l’Equipe de France ? Ou avez-vous travaillé seule ?

Cela fait cinq ans que je travaille avec ma préparatrice mentale mais il y a des choses qui sont longues à mettre en place. L’année dernière j’ai eu une saison assez compliquée, où je me suis posée pas mal de questions sur moi et l’escrime. Et les Mondiaux ont été un déclic dans le sens où ça a été une réussite et un échec de terminer à pas grand-chose du podium. Cela m’a permis de penser différemment, de plus accepter. Et il fallait que le travail avec ma préparatrice mentale porte ses fruits à un moment. Cela a peut-être été un déclic et m’a permis de passer ce petit cap.

En plus de ces Coupes du monde, il y a les championnats d’Europe (25 au 30 juin en Pologne) et les championnats du monde (24 au 27 juillet en Italie). Que priorisez-vous ?

On sait que l’objectif de l’année c’est les championnats du monde : c’est ce qui rapporte le plus de points et il y a des titres à aller chercher. Ensuite ce sont les championnats d’Europe et enfin les Coupes du monde. Mais là, en vue de la qualification olympique, chaque compétition est importante et on a à cœur de toutes les réussir. Mais l’objectif principal pour tout le monde, c’est les championnats du monde

Après l’annonce de la réintégration des athlètes russes et biélorusses par la Fédération internationale, deux étapes de Coupe du monde ont été annulées (à Poznan en Pologne et à Tauberbischofsheim en Allemagne). Cela a-t-il été dur à gérer ?

Ça a un peu chamboulé évidemment. Après, on l’a su assez vite. Et étant donné qu’on a vécu cette période de Covid avec des hauts et des bas, surtout beaucoup de bas, malheureusement on s’y est habitués (aux annulations, ndlr). Donc on sait que dans ces situations-là, on n’a aucun pouvoir et pas d’autres choix que d’attendre et patienter. Ce n’est pas agréable à vivre, on est dans une période de flottement où on ne sait pas trop ce qu’il va se passer. Mais on sait que de toute manière il y a une qualification olympique, donc les compétitions auront lieu à un moment. Ils ne peuvent pas tout annuler. On était juste dans l’attente de savoir où on allait aller et comment.

Il n’y a aucune athlète russe ou biélorusse inscrite ce week-end. Des voix se sont élevées lors de l’annonce de leur possible retour. Comment sentez-vous l’ambiance autour des compétitions d’escrime ?

On n’a pas fait de compétitions depuis fin mars, donc au niveau de l’ambiance je ne sais pas du tout comme cela va se passer. De toute manière, les Russes sont censés revenir mais il y a beaucoup de flou autour de la question. On n’a pas d’autres choix que de s’adapter et on verra bien quelle sera la température quand ils reviendront, s’ils reviennent.

Le mode d’emploi des qualifications aux JO 2024

En escrime, pour se qualifier aux JO 2024, il faut briller par équipe. Dans chaque arme, les quatre nations qui auront cumulé le plus de points au classement par équipe entre le 3 avril 2023 et le 1er avril 2024 se qualifieront. Et lorsqu’une équipe est qualifiée, trois quotas pour les compétitions individuelles sont immédiatement débloqués en plus.

Si la France n’est pas classée parmi ces quatre premières nations mondiales, il faudra être la meilleure équipe européenne en dehors de ce Top 4.  Les pays qui n’ont pas qualifié d’équipe au final peuvent obtenir un seul quota par genre en individuel dans chaque arme.

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