Edouard Mathé, figure du saut d’obstacles professionnel, est au cœur d’une affaire judiciaire depuis plusieurs mois. Le cavalier français a été mis en examen pour viols, atteintes sexuelles et harcèlement le 14 janvier et placé sous contrôle judiciaire. Selon nos informations, la Préfecture des Yvelines a pris une première décision dans ce dossier. L’avocate d’Edouard Mathé réagit pour la première fois sur RMC Sport.
Le 5 octobre dernier, Pauline* pousse la porte du commissariat de Mantes-la-Jolie (Yvelines). Au total, quatre femmes, âgées aujourd’hui de 17, 23, 27 et 35 ans, ont déposé une plainte contre le cavalier français Edouard Mathé (40 ans), figure du saut d’obstacles professionnel, toujours présumé innocent.
Edouard Mathé a été mis en examen début janvier pour viols, atteintes sexuelles et harcèlement et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français. Une vingtaine d’ex-élèves et employées du cavalier ont été entendues par la section de recherches de Versailles dans les premiers instants de l’enquête.
Outre cette partie judiciaire, le cavalier a été interdit par la Fédération Française d’Equitation de participer aux compétitions après des plaintes pour menaces lors d’un concours. Edouard Mathé a fait appel de cette décision et a été auditionné mercredi 16 février dans le cadre de la procédure d’appel. En première instance, la FFE avait interdit de compétitions le cavalier pour cinq ans, dont trois avec sursis, pour une infraction à l’éthique et au règlement intérieur de la Fédération.
Le rendu de cette décision en appel est capital pour la suite de sa carrière. Les victimes présumées ont une volonté de voir la peine s’alourdir lors de cette deuxième audition avec cinq années d’interdiction sans sursis, « ça pourrait permettre de le suspendre le temps de l’enquête judiciaire », confie une proche des victimes.
Qui est Edouard Mathé ?
C’est au cœur du domaine de la Guicharderie à Auffargis dans les Yvelines qu’Edouard Mathé, directeur technique de Tendercapital Stables, gère une écurie qui prépare les cavaliers aux différents concours équestre. « C’est un homme très influent dans le milieu de l’équitation, confie un connaisseur de l’écurie. C’est un bon cavalier au sein d’un endroit très réputé dans ce petit monde. Avec des noms importants dans son carnet de gestionnaire. Ça donne une certaine idée de l’influence… »
Des victimes présumées d’Edouard Mathé décrivent l’homme comme « très impressionnant ». « Pour avoir déjà travaillé avec lui, c’est quelqu’un qui ne se laisse pas faire. Si tu es avec lui, il essayera toujours de te défendre », avoue un ancien employé. D’autres proches du cavalier décrivent l’homme comme un « grand séducteur qui respecte les femmes » et qui « subit un acharnement incroyable depuis les premières révélations ».
Edouard Mathé est très connu dans les concours d’équitation. Le cavalier a déjà représenté la France lors de compétitions internationales et c’est aussi un marchand de chevaux très réputé. « Edouard Mathé est un cavalier comme il en existe un certain nombre de très connu, confie Frédéric Bouix, délégué général de la Fédération Française d’Equitation. La FFE a réalisé un signalement il y a quelques mois sur ce cas. Les instances disciplinaires qui sont indépendantes de la Fédération ont été saisies à l’automne. Le cavalier est sous le coup d’une sanction disciplinaire de première instance qui fait l’objet d’un appel ». D’après nos informations, la sanction en appel devrait être annoncée sous dix jours.
Comment a débuté cette histoire ?
« On est au tout début de cette affaire, dans un sport comme l’équitation où l’omerta est forte. Edouard Mathé a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la France et d’approcher les plaignantes, affirme Nathalie Tomasini, avocate de la plus jeune des victimes. C’était une réelle volonté de ma cliente qui se trouve actuellement à l’étranger ». La jeune fille de 17 ans, Pauline*, était l’employée et l’élève du cavalier de août 2020 jusqu’en juin 2021. Au fil des mois, elle va tomber sous le charme d’Edouard Mathé. « On relève au cours des trois PV de plaintes, une emprise très forte d’un homme de 40 ans sur une jeune fille de 16 ans, évoque son avocate. Elle est tombée amoureuse de cet homme-là. Très charismatique. Cette relation a été installée dans un premier temps de manière secrète. Les parents n’ont pas été informés tout de suite ».
Le sportif de 40 ans, toujours présumé innocent dans cette histoire, a reconnu avoir entretenu des relations sexuelles avec les plaignantes, mais il conteste l’absence de consentement. « Edouard Mathé a reconnu cette liaison. Elle a perduré pendant de nombreux mois. Elle était acceptée et consentie. Il s’agit d’une relation amoureuse qui était empreinte de sentiments amoureux réciproques, sans aucune contrainte », affirme Maître Carole Guillemin, l’avocate d’Edouard Mathé. Avant de poursuivre : « Je rappelle le principe de la présomption d’innocence. Cette instruction pénale sera chargée de dire quel est le degré de l’éventuelle culpabilité ou pas de Monsieur Mathé, notamment par rapport à cette liaison qui était consentie suite à une relation amoureuse qui avait l’aval des parents, je précise ».
Au cours de certaines compétitions, la jeune Pauline affirme subir des pressions du directeur technique de Tendercapital Stables. « Si tu n’arrives pas à être performante, tu devras me faire tel ou tel acte sexuel. La jeune fille ne pouvait pas dire non. Elle a voulu rompre et c’est à ce moment-là qu’on détecte un phénomène de harcèlement », explique Maître Tomasini, avocate de la victime présumée. Depuis, une réquisition de l’Unité Médico-Judiciaire (UMJ) constate un syndrome de stress post-traumatique sévère sur cette cavalière. L’enquête qui s’annonce longue devra déterminer les circonstances et la notion d’emprise d’Edouard Mathé sur Pauline et les autres plaignantes du dossier.
Pourquoi le préfet a pris un arrêté contre Edouard Mathé ?
Quel avenir pour le cavalier français ? C’est toute la question du résultat du prochain appel de la commission de discipline de la FFE qui devrait rendre sa nouvelle décision dans les prochains jours. Pour le moment, la licence de compétition d’Edouard Mathé est suspendue. Selon nos informations, le préfet des Yvelines a aussi pris une première décision à l’encontre d’Edouard Mathé. Le préfet, par l’intermédiaire de son secrétaire général, a signé mardi dernier un arrêté qui prévoit la suspension en urgence pour six mois de toute activité, salarié ou bénévole, d’encadrement, d’animation et d’entraînement des activités physiques ou sportives, en attendant la décision du CDJSVA (Conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative) qui peut prononcer une interdiction définitive d’exercer. C’était une attente depuis plusieurs semaines des représentants des victimes présumées.
Pour la première fois depuis le début de cette enquête, Maître Carole Guillemin, l’avocate d’Edouard Mathé, évoque le dossier. « L’arrêté préfectoral est un arrêté conservatoire, il n’est pas définitif. Il fait suite à un signalement de la FFE du mois de mai 2021. La Fédération est dans son rôle, dans la mesure où c’est un signalement à titre préventif concernant une relation consentie entre une mineure et son coach sportif, affirme la représentante du cavalier de 40 ans. Quand je dis que c’est consenti, c’est une relation amoureuse réciproque. Il y a une procédure pénale qui ne préjuge en rien de la culpabilité de monsieur Mathé. » L’avocate se réserve le droit d’attaquer cet arrêté devant le tribunal administratif.
« Il faut savoir que ce n’est pas la Fédération qui gère le fait qu’on ait le droit d’entraîner ou d’animer, c’est le rôle de l’État dans un pays ou les activités sont réglementées. Il faut avoir un diplôme et c’est à l’état de contrôler, complète Frédéric Bouix, délégué général de la Fédération Française d’équitation. La FFE ne peut pas prendre des décisions en dehors de son périmètre d’action. Les Fédérations ne sont ni la police, ni la justice. Elles ont pour rôle d’alerter les pouvoirs publics sur ces dossiers. »
Depuis plusieurs mois, la FFE accompagne une des victimes présumées et sur la base de ces témoignages, la Fédération avait alerté le ministère des Sports. Plusieurs personnes, liées aux deux parties de ce dossier, veulent aussi signaler « la très bonne organisation de la FFE via sa commission de discipline indépendante ». De son côté, l’enquête judiciaire va prendre du temps. Dans ce genre d’affaires, les enquêteurs doivent souvent faire face aux deux parties avec un « parole contre parole ». Les témoignages et les analyses médicales sont souvent déterminants.
*Le prénom a été modifié